• Sanctionner des faits anciens, c'est possible

    Sanctionner des faits anciens, c'est possibleÀ partir du moment où l’employeur a connaissance d’une faute commise par un salarié, il a en principe deux mois pour engager une procédure disciplinaire (en convoquant le salarié à un entretien préalable). Passé ce délai, on dit que les faits sont prescrits ; ils ne peuvent plus donner lieu à sanction.

    C’est le sens de l’article L. 1332-4 du code du travail, qui énonce : « Aucun fait fautif ne peut donner lieu à lui seul à l'engagement de poursuites disciplinaires au-delà d'un délai de deux mois à compter du jour où l'employeur en a eu connaissance, à moins que ce fait ait donné lieu dans le même délai à l'exercice de poursuites pénales ».

    Ce principe connait deux exceptions.

    La première est clairement énoncée dans le texte lorsqu’il précise : « à moins que ce fait ait donné lieu dans le même délai à l'exercice de poursuites pénales » ; ainsi la prescription ne s’applique-t-elle pas lorsque, dans le délai de 2 mois, l’employeur a déposé plainte.

    La seconde est moins explicite ; elle se déduit de l’emploi de l’expression « à lui seul ». Il en résulte, que si le fait fautif commis dans le délai de deux mois n’est pas isolé mais constitue la poursuite d’un comportement fautif plus ancien, l’employeur est fondé à invoquer des faits commis avant le délai de deux mois.

    C’est ce qu’illustre l’arrêt rendu le 1er juin 2022 par la Cour de cassation (Chambre sociale, n° 21-11.620). Dans cette affaire, un salarié « chef de cuisine » avait été licencié pour des manquements aux règles élémentaires d’hygiène et de sécurité.

    Il contestait son licenciement en soutenant que les faits étaient prescrits puisqu’ils avaient été révélés par audit du 16 octobre 2015, tandis qu’il n’avait été convoqué à un entretien préalable que par lettre du 1er juillet 2016, soit plus de deux mois après que l’employeur a eu connaissance des faits.

    La Cour d’appel avait cru pouvoir approuver ce licenciement.

    A tort selon la Cour de cassation, qui censure cette décision, reprochant à la Cour d’appel de n’avoir « pas vérifié si le comportement reproché au salarié, au titre des manquements aux règles d’hygiène et de sécurité qu’elle a retenus comme étant établis, s’était poursuivi au-delà des conclusions du rapport d’audit du 16 octobre 2015 les ayant mises en exergue ».

    Me Manuel Dambrin

     

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