• La mauvaise blague au mauvais moment

    La mauvaise blague au mauvais moment« Vous savez c’qu’on dit à une femme qu’a déjà les deux yeux au beurre noir ? on lui dit plus rien : on vient déjà de lui expliquer deux fois ! ».

    C’est à la suite de ce trait d’humour qu’un animateur télé de France 2, invité sur le plateau d’une émission de divertissement d’une chaîne concurrente, a été licencié pour faute grave.

    Contestant cette décision, l’intéressé a contesté le bien fondé de son licenciement jusque devant la Cour de cassation, mais son pourvoi a été rejeté (Cour de cassation, chambre sociale, 14 avril 2022, n° 20-10852).

    Après avoir rappelé le principe de la liberté d’expression, consacrée sur le plan général par l’article 10 de la Convention Européenne des Droits de l’Homme et plus précisément en droit du travail par l’article L.1121-1 du code du travail, les juges ont cependant estimé, qu’en l’occurrence, le salarié avait commis un abus de cette liberté de sorte qu’il ne pouvait pas bénéficier de la protection attachée à son exercice.

    Pour en décider ainsi, les juges ont notamment relevé que cette sortie « humoristique » était intervenue au moment où l’actualité médiatique était mobilisée autour de la révélation d’une affaire de violence envers les femmes ; que quelques jours auparavant, à l’occasion de la journée internationale pour l’élimination de la violence faite aux femmes, le Président de la République avait été annoncé des mesures visant à lutter contre les violences sexistes et sexuelles, rappelant que 123 femmes étaient décédées sous les coups, en France, au cours de l'année 2016.

    Ils ont également souligné que les propos avaient été tenus lors d’une émission diffusée en direct, à une heure de grande écoute ; que le salarié, dans les jours suivants, s’était vanté d’avoir ainsi « fait son petit buzz » et avait adopté une attitude déplacée vis-à-vis d’une candidate malgré les mises en garde de son employeur.

    Ils en ont déduit que compte tenu de l’impact potentiel des propos réitérés du salarié, reflétant une banalisation des violences à l’égard des femmes, sur les intérêts commerciaux de l’employeur, cette rupture n’était pas disproportionnée et ne portait pas une atteinte excessive à la liberté du salarié.

    Me Manuel Dambrin

     

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